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Média & Information

Qu’est-ce qu’un média ? De quand date-on l’apparition des médias ? A partir de quand et à propos de quoi peut-on parler d’information ? En quoi l’évolution des techniques et les évolutions de l’offre et de la demande de médias sont-elles intrinsèquement liées ? Quels sont les principaux acteurs du ou des marchés des médias et quels sont leurs rôles ? Pourquoi s'informer ? Pourquoi détenir un média ? Avant d’entrer dans la théorie économique et ses applications, avant de décrire les marchés des médias (l’offre, la demande, la concurrence, les produits), le présent chapitre pose des concepts, tente d’en faire percevoir les limites, présente des points de repères et les grandes évolutions du secteur.

a. Qu’est-ce qu’une information ? 

 

Quels synonymes utiliser pour le mot « information » ? « Nouvelles » ? « Actualités » ? Un fait survenu en 1976 et donné à la connaissance du public aujourd’hui est-il une information ? Ou est-ce sa publication aujourd’hui qui en est une ? On note un prisme fort de la notion de proximité temporelle voire d’immédiateté pour décrire ce qui est constitutif de l’information. 

 

Qu’est-ce qui mérite d’être qualifié d’information ? Qu’est-ce qui mérite d’être présenté dans un flash info ? Au journal télévisé de 20h ? D’être publié dans un quotidien national ? D’être publié dans un hebdomadaire local ? Dans un magazine spécialisé ? On sait que l’élection d’un nouveau président, la chute d’un cours de bourse… sont des informations. On sait que le fait que ma grand-mère se soit acheté une nouvelle voiture n’est pas une information.

 

Pour tous les « événements » entre ces deux extrêmes, la question peut se poser. L’information est une matière vivante sans limites réellement définies, c’est pour cela que la production d’informations et la hiérarchisation que réalise chaque média sont organisées autour de conférences de rédaction, parfois assez libre, souvent ouvertes. C’est aussi pour cela que l’information se définit par : 

  • une pratique : les 5 W - who, what, when, where, why, et un code de déontologie

  • une astuce tautologique : une information est un événement rendu compte par un journaliste, le journaliste étant lui-même défini par le fait de travailler dans un média d’information. 

 

Du point économique, Nathalie Sonnac, dans L'Industrie des Médias à l'ère numérique, introduit le concept de « news » pour cerner le concept d’information-actualité qui s’oppose au concept d'« information » dans son cadre généraliste d’économie ou de société de l’information : une « news » est une information qui a été sélectionnée et diffusée et qui, par là même, acquiert une valeur marchande.

 

D’un autre point de vue, celui de Camus, le journalisme c’est « écrire l’histoire au présent ». Cette définition a le mérite de nous ramener sur les rails de l’épistémologie et de ses débats face à la matière Histoire : qui l’écrit, à quel moment et à partir de quelle pièces, quel matériel et en laissant de côté quelles pièces, quel matériel ?

 

L’information n’est jamais un fait brut, elle devient information à partir du moment où elle est relayée, relatée, racontée. On ne peut s’intéresser à l’information sans s’intéresser à son traitement. Nous y reviendrons au chapitre sur les caractéristiques des biens médiatiques pour développer les notions de ligne éditoriale et de qualité des contenus. Avant cela, il est intéressant de noter qu’il existe des différences culturelles quant au traitement de l’information que Francis Balle compare selon les axes suivants :

Balle, Francis. Les médias. Page 13.

 

 

Finalement, définir précisément le terme d'« information » est tout aussi compliqué que de définir celui de « média ».

 

b. L’information, à quoi ca sert ?

 

Le rôle des médias d’information est de collecter (enquêter, sourcer), produire et de diffuser des informations. A quoi cela sert-il ? Il faut distinguer deux pistes de réflexion : En quoi l’information est-elle nécessaire ? En quoi l’information nous est-elle nécessaire ? Ce cours n’est ni un cours de sociologie, ni un cours de psychologie cependant nous devons essayer de comprendre les déterminants de la demande.   

 

L’information a, tout d’abord, une utilité citoyenne. La presse n’est pas un rempart en soi contre les mauvaises pratiques dans le monde de la politique, économique, sportif… Mais lorsque la presse les révèlent au grand public et parfois à la justice, celles-ci peuvent être sanctionnées a posteriori. L’exemple le plus marquant ces dernières années est la révélation des systèmes de surveillance mis en place à grande échelle par les services secrets américains et britanniques par le Guardian (révélations dont on peut suivre la génèse dans le documentaire Citizenfour). Jusqu’à ce jour, l’exemple le plus connu parce qu’il implique directement le Président des Etats-Unis est la révélation des écoutes du Watergate ordonnées par Nixon (voir All the President’s men pour l’enquête du Washington Post et Frost vs. Nixon pour l’interview qui avouer Nixon).

 

Du point de vue de l’individu, l’information représente un investissement en capital humain puisque le temps qu'il y alloue lui permet d’augmenter son stock de savoir. 

 

L’information a, enfin, une utilité sociale. Qu’il s’agisse d’un contexte professionnel ou privé, échanger autour d’une information - quelle qu’elle soit - permet de révéler son savoir (expertise), d’affirmer ses idées et ses valeurs (identification), de s’opposer à des idées et valeurs (revendication) et d’en construire (participer). En cela, on note que les médias remplissent leur rôle puisque 76% des français déclarent porter un intérêt aux informations diffusées par les médias de presse écrite, audiovisuelle et sur Internet (TNS - Sofres. Baromètre de confiance dans les media 2015. Page 6.)

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Le Canard Enchaîné, 18 septembre 2019

Cette infographie détaille les liens capitalistatiques entre les groupes et les titres de prese.

c. Le journalisme, un 4è pouvoir ? A qui appartiennent les médias ?

 

Dans Les Médias, Francis Balle rappelle que l’expression « 4è pouvoir » revient par Soljenitsyne en 1978 pour qualifier les médias en  s’adressant à des étudiants de Harvard : « La presse est devenue la force la plus puissante des Etats-Unis, elle dépasse, en puissance, les trois autres pouvoirs ». 

 

Les médias - d'information qui enquêtent ou font du reportage - ont pour mission de montrer les faits, de mettre au jour des scandales politiques, économiques, sportifs… Pourtant, il y a une tension entre les médias d’information et le grand public. On ne fait pas tant que ça confiance aux médias. Le Baromètre de confiance dans les medias 2019, la TNS - Sofres pour La Croix montre que 70% des sondés pensent que les journalistes ne sont pas indépendants et qu'ils n'ont globament pas confiance dans les médias.

 

On se méfie de leurs liens capitalistiques avec des groupes qui opèrent dans les secteurs du luxe, de la construction, de l'armement ou des télécoms. Le tableau ci-dessous présente les propriétaires ou actionnaires des grands journaux, magazines et des grandes chaînes en France.

Le Monde diplomatique. Médias français : qui possède quoi.

 

On se méfie aussi des médias parce que leurs revenus sont largement déterminés par les dépenses publicitaires des annonceurs. Il est de notoriété publique que des annonceurs ont déjà retiré des budgets publicitaires suite à la parution d’un article dérangeant. Aujourd'hui, cela se sait de plus en plus vite et le revers de bâton peut se faire au détriment de l'annonceur.

Même sur le service public, on pourra suspecter les journalistes d'être de connivence avec le pouvoir ou une opposition...

Lorsque l’on évoque un 4è pouvoir, celui-ci vient spontanément contre-balancer les trois autres pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. Les manquements de la classe politique, les abus… doivent être sus par le grand public. Pour autant, c’est en général lorsque la relation démocratique entre les trois pouvoirs et le peuple est défaillante que la liberté des médias l'est également. Ainsi, la liberté de la presse n'apparaît pas tant comme un pré-requis mais plus comme une résultante de l'existence d'un espace démocratique.

 

Le pouvoir de l'actionnaire est présent dans les entreprises de média tant au niveau du management de l’entreprise que de sa structure de recettes. Posséder un média, au-delà du capital, c'est développer une influence potentielle. En constraste, on peut supposer une liberté plus grande en matières d’enquête et de ton sur le service public. On observe, en effet, que certains faits touchants des actionnaires sont oubliés ou relayés en brèves dans leur(s) titre(s). Cependant, des contre-exemples comme celui de l'enquête du Monde à l'été 2019 montrent qu'un journal peut enquêter en profondeur sur ses actionnaires. Il existe, par exemple, au sein des rédactions, des sociétés des journalistes qui s’assurent que ces pratiques sont absentes ou restent marginales et qui peuvent contre-balancer ou critiquer la prise de position d’un actionnaire ou du management.

 

Si le rôle du journaliste et des médias et de révéler des informations, ce 4è pouvoir s’exerce dans des cadres différenciés selon la structure de l'entreprise, et avec des limites variables qui dépendent de l'implication et des objectifs des actionnaires. Le documentaire Murdoch, le magnat des médias d’Andrew Orr enquête sur l’influence qu’aurait eu Rupert Murdoch sur le résultat de l'élection présidentielle américaine en 2000 lorsque Fox annonce la victoire de Georges W. Bush avant la publication des résultats (favorables à Al Gore), ou sur l’élection de Tony Blair au Royaume-Uni soutenu par le Sun, News Of the World, le Times... 

 

Ce sont les mécanismes de décision entre l'actionnariat, la direction générale et la régie d'une part et la rédaction d'autre part, ces mécanismes qui doivent garantir l'indépendance des journalistes dans l'exercice de leur travail, qu'il faut examiner. Le plus souvent ils existent et sont respectés.

« Nous n’avons pas peur de la puissance de la presse, mais nous ne tolèrerons pas la puissance de l’argent ». C’est ainsi que Pierre Mauroy explique la loi anti-concentration à la tribune de l’assemblée nationale en 1981. Ainsi, en France, c’est sur un équilibre entre liberté d’entreprendre et des limites cadrées par l’Etat quant à la taille de groupes que la presse est supposée assurer (le relais de) la pluralité des opinions.

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